En l'absence du roi lion, Le peuple quadrupède, en proie à l'anarchie. Sur tous les daims et chevreuils de l'AsieExerçait sa proscription. Un serpent fort disert épuisait sa facondeA prouver que tous ces proscrits,Et même les lions, étaient de vrais bandits;Qu'il fallait en purger le monde.Ses méfaits répondaient à son inimitié : Chevreuils et lionceaux trouvés sur son passageÉtaient dévorés sans pitié. Un autre temps survint : la Fortune est volage.Le roi lion fut rétabli. Les proscrits à la cour reprirent l'avantage,Et notre serpent convertiChangea de rôle et de langage.Il faut vivre pourtant :les serpents sont gloutons.Celui-ci retomba sur les pauvres moutons, Sur les lapins et sur les lièvres.« Je te croyais changé, lui dit un écureuil.— Sans doute, répond-il en se léchant les lèvres :Vois, je ne mange plus de daim ni de chevreuil ;Ce sont gens comme il faut, vrais amis de nos maîtres;Mais les moutons sont des séditieux ; Les lapins sont des factieux,Et tous les lièvres sont des traîtres. »Notre siècle est rempli de ces faux pénitents,Et de maint prnscripteur ma fable est la peinture.Je les vois aujourd'hui tels que dans d'autres temps ; Ils ont changé de peau, mais non pas de nature :Ils sont toujours restés serpents.Jean-Pons-Guillaume Viennet.